Les prescriptions antibiotiques des médecins s’éloignent des directives nationales

Selon une étude d’Unisanté, près d’une prescription d’antibiotiques sur cinq n’est pas alignée avec les recommandations nationales. L'âge avancé des médecins et l’attitude favorable des patientes et patients à l'égard des antibiotiques étaient liés à une augmentation de la prescription d'antibiotiques non recommandés. 

Autant que nécessaire, mais le moins possible. Pour éviter le développement de pathogènes résistants aux antibiotiques, ces médicaments devraient n’être utilisés qu’en dernier recours et choisis pour être les plus spécifiques possibles. 

Depuis 2019, il existe des directives nationales qui standardisent la prescription des antibiotiques. Les médecins peuvent s’y référer pour déterminer si un antibiotique est indiqué pour soigner leur patiente ou leur patient, et si oui, quel antibiotique choisir. 

Une étude d’Unisanté a cherché à savoir si les médecins faisaient des choix en matière d'antibiotiques conformes aux directives nationales. Signée notamment par les chercheuses Jelena Dunaiceva et Yolanda Müller, l'enquête a été publiée cet été dans la revue Swiss Medical Weekly.

Un réseau représentatif des médecins en Suisse

Les scientifiques ont analysé les données de 2017 à 2022, soit plus de 52 000 rapports de prescriptions d’antibiotiques du réseau Sentinella. Ce réseau est composé d'environ 200 médecins de famille et pédiatres suisses qui rendent compte, volontairement, à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP) sur divers sujets liés à la surveillance des maladies infectieuses. 

Le réseau Sentinella représente environ 2% des médecins de premier recours en Suisse. Il est conçu pour refléter la composition de l’ensemble des médecins en ce qui concerne le genre, l’âge ou encore la région de pratique. 

Les médecins du réseau partagent notamment chaque prescription d'antibiotiques, avec l’indication médicale correspondante, c’est-à-dire la raison qui motive cette prescription. L’étude d’Unisanté s’est concentrée sur les indications pour lesquelles il existe des recommandations nationales. Si l’antibiotique prescrit faisait partie des options d’antibiotiques mentionnés dans les recommandations, que ce soit en première ligne ou comme alternative, la prescription était considérée comme alignée avec la recommandation.

Les recommandations nationales ne sont pas systématiquement suivies

Les résultats montrent qu’il existe une marge d’amélioration possible pour que les prescriptions s’accordent avec les recommandations nationales: près d’une prescription sur cinq n’est pas alignée avec les recommandations, 18% chez les adultes et 19% chez les enfants, c’est-à-dire que l’antibiotique prescrit ne correspond ni à la substance recommandée en première ligne ni aux alternatives recommandées. 

Pour certaines maladies, le taux de non-alignement est particulièrement élevé ; c’est le cas de la sinusite chez l’adulte (39%) et la pharyngite chez l’enfant (38%).

L’introduction des recommandations nationales en 2019 a permis une amélioration partielle, avec une baisse des prescriptions non recommandées pour toutes les maladies chez les enfants. Chez l’adulte, on remarque une baisse significative pour la sinusite, qui est passée de 48 à 39%, et pour la pneumonie, qui passe de 19 à 15%.

L’analyse a également permis de mettre en évidence plusieurs facteurs associés à une probabilité augmentée de prescrire un antibiotique non recommandé:

• le type de maladie (surtout la pharyngite)
• les médecins de famille (par rapport aux pédiatres)
• l'âge des médecins (les médecins plus âgé·es étaient moins aligné·es avec les recommandations)
• la perception par les médecins d'une attitude favorable des patientes et patients à l'égard des antibiotiques

Des recommandations pour améliorer la situation 

Ces résultats suggèrent que la simple publication des recommandations ne garantit pas leur application systématique. 

Pour améliorer l’adhérence aux recommandations, les autrices et auteurs de l’article suggèrent de renforcer les stratégies d’implémentation, par exemple en facilitant leur intégration dans les dossiers électroniques des patients, en diffusant des messages ciblés lors des formations continues, et en impliquant les médecins de famille à l’élaboration et à l’actualisation des recommandations, afin de mieux les adapter à leur réalité.

Vous êtes médecin? 

Si vous souhaitez participer à une étude qui évalue différentes manières de diffuser ces recommandations, contactez-nous à cette adresse.

Avec cette nouvelle étude, Unisanté poursuit son engagement dans la lutte contre la sur-prescription d’antibiotiques.

Liens utiles

• Directives nationales pour la prescription d’antibiotiques publiées par la Société suisse d’infectiologie (SSI)
• Stratégie Antibiorésistance (StAR) de l’OFSP
• Réseau Sentinella
• Projet national ASAP (Antimicrobial Stewardship in Ambulatory care Platform) qui vise à promouvoir une prescription appropriée d’antibiotiques dans la pratique ambulatoire suisse

Référence

Dunaiceva J, Boillat-Blanco N, Li D, Niquille A, Peytremann A, Plüss-Suard C, Müller Y, Do Swiss family physicians prescribe antibiotics in line with national guidelines? A cross-sectional study. Swiss Med Wkly. 2025 Jun. 29;155(6):4234., https://doi.org/10.57187/s.4234

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