L’impact de certains gènes dépend du parent dont ils sont hérités
Des caractéristiques telles que la taille, le métabolisme et le risque de maladies peuvent être influencées différemment – et même dans des sens opposés – selon que le variant génétique en cause est hérité de la mère ou du père, révèle une étude lausannoise publiée le 6 août 2025 dans "Nature". Elle présente une méthode innovante pour étudier ces effets liés à l’origine parentale, identifie de nouveaux variants influençant la santé et fournit l’une des premières preuves chez l’humain de l’hypothèse du «conflit parental».
Des milliers de variants génétiques ont été associés à différentes caractéristiques humaines et maladies. Les études à ce sujet ignorent généralement de quel parent proviennent ces variants, partant du principe que cela n’influence pas leur effet. Or certains gènes sont naturellement désactivés soit dans les ovules, soit dans les spermatozoïdes – ce qui signifie que certains variants n’ont un effet que s’ils sont hérités du parent chez qui le gène est activé.
Déterminer l’origine parentale de gènes à grande échelle
Un défi majeur pour étudier les effets liés à l’origine parentale (ou POEs, pour «parent-of-origin effects») est le manque de grands ensembles d’échantillons d’ADN comprenant à la fois les individus et leurs parents. Pour contourner cette difficulté, le groupe du professeur Zoltán Kutalik, affilié au Département de biologie computationnelle de la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, à Unisanté et au SIB (Swiss Institute of Bioinformatics), a mis au point une méthode informatique permettant de déduire l’origine parentale à partir de données génétiques de n’importe quel individu apparenté. Cette méthode commence par déterminer si l’individu apparenté est du côté maternel en identifiant les séquences communes sur le chromosome X ou dans l’ADN mitochondrial, tous deux hérités de la mère. Elle utilise ensuite les schémas de segments partagés dans le reste du génome pour déduire lesquels proviennent de la mère.
Grâce à cette technique, les chercheuses et chercheurs ont attribué une origine maternelle ou paternelle aux variants génétiques de plus de 236’000 personnes incluses dans trois grandes biobanques au Royaume-Uni, en Estonie et en Norvège. Cela a multiplié par près de cinq le nombre d’échantillons disponibles pour les recherches sur l’origine parentale.
Des gènes liés à la croissance et au métabolisme ont des effets opposés selon le parent dont ils sont hérités
À partir de ces données, les scientifiques ont identifié plus de 30 variants génétiques dont l’impact diffère selon qu’ils ont été hérités de la mère ou du père.
Dix-neuf d’entre eux présentent des profils «bipolaires», où le même variant génétique augmente un trait lorsqu’il est hérité d’un parent mais le diminue lorsqu’il provient de l’autre. De tels effets passent généralement inaperçus dans les études génétiques classiques, où les signaux parentaux opposés s’annulent mutuellement.
Les 19 POEs identifiés sont tous liés à la croissance et au métabolisme, incluant des caractéristiques telles que l’indice de masse corporelle, les taux de lipides sanguins et la taille. Cette découverte souligne ainsi le rôle général des POEs dans la formation des traits humains complexes.
Conflit entre les gènes de la mère et du père
Les gènes désactivés lors de la formation des ovules ou des spermatozoïdes ne sont pas exprimés chez la descendance. Selon l’hypothèse du conflit parental, ce processus – appelé empreinte génomique – aurait évolué comme une adaptation à des intérêts divergents: les gènes paternels pourraient favoriser une croissance accrue pour maximiser les chances de survie de leur progéniture, même au détriment de la mère, tandis que les gènes maternels chercheraient à limiter la croissance de l’enfant afin de préserver les ressources pour la survie et la reproduction futures de la mère.
En révélant de nombreux effets bipolaires sur des traits liés à la croissance et au métabolisme, l’étude apporte un soutien solide à l’hypothèse du conflit parental: «Il s’agit de l’une des preuves les plus convaincantes à ce jour en faveur de cette théorie évolutive de longue date», souligne Zoltán Kutalik, qui a dirigé les travaux.
De nouvelles perspectives pour la santé humaine
L’étude met également en évidence le rôle des POEs dans des pathologies telles que le diabète de type 2, l’obésité et les maladies cardiovasculaires: de nombreux traits présentant des effets bipolaires sont des indicateurs connus de la santé métabolique et sont étroitement liés à la résistance à l’insuline et au syndrome métabolique. Bien que les recherches se soient concentrées sur des adultes en bonne santé d’origine européenne, les auteurs soulignent que les effets liés à l’origine parentale pourraient jouer un rôle encore plus important dans certaines maladies rares du développement. Ils prévoient d’investiguer plus en détail comment ces effets pourraient modifier l’expression des gènes et contribuer à l’apparition de troubles précoces.
«Nos travaux montrent que ce qui compte, ce n’est pas seulement de quel ADN vous héritez, mais aussi de qui vous l’héritez. Nous espérons que notre méthode, disponible publiquement, ouvrira la voie à l’utilisation systématique de l’information sur l’origine parentale dans les futures recherches génétiques», conclut Robin Hofmeister, postdoctorant et premier auteur de l’étude.
Ce texte est une reprise du SIB et de la communication FBM.
Illustration de l’hypothèse du conflit parental.
Les parents ont des intérêts divergents concernant l’allocation des ressources au fœtus, représentée ici par un tir à la corde: les gènes paternels favorisent la croissance fœtale, même au détriment de la santé maternelle, tandis que les gènes maternels limitent cette croissance pour préserver leurs ressources.
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