Structures ambulatoires spécialisées dans les addictions (alcool et stupéfiants). La situation en 2020 dans le canton de Vaud

Abstract

Le secteur Evaluation et expertise en santé publique (CEESAN) du Centre universitaire de médecine générale et santé publique (Unisanté) a été mandaté par la Direction Générale de la Santé du canton de Vaud (DGS) pour réaliser une étude descriptive de l’addictologie ambulatoire en matière de prise en charge des problèmes liés à alcool et aux stupéfiants dans le canton en 2020.
Le travail de terrain a été réalisé entre les mois d’octobre 2020 et mars 2021. La méthode comprend la passation de questionnaires (n=8), la réalisation de 27 entretiens dont 23 avec des responsables de structures et des membres du personnel (neuf intervenant·es du domaine social, cinq psychologues, six infirmier·ères et trois médecins) et 4 avec des personnes identifiées comme expertes du domaine. Nous avons complété ce corpus par l’analyse de certaines données documentaires (conventions et missions, rapports d’activité, documents divers).
L’analyse porte sur les caractéristiques et activités principales des structures ambulatoires spécialisées en addictologie dans le canton de Vaud et subventionnées par l’Etat. Pour compléter la présentation détaillée de chaque structure (études de cas), une analyse transversale et comparative permet de rendre compte du dispositif dans son ensemble.
Actuellement, 10 structures sont actives dans ce domaine : quatre sont spécialisées dans la problématique de l’alcool (la Fondation vaudoise contre l’alcoolisme, la Croix-bleue romande Section vaudoise, la Fondation Estérelle-Arcadie, l’Unité socio-éducative du SMA/CHUV) et deux principalement dans le domaine des stupéfiants (Centre d’Accompagnement et de prévention de la Fondation du Levant – le CAP –, Association Entrée de Secours). Les quatre dernières structures sont des Unités de Traitements (UTA) rattachées à un centre hospitalier et qui prennent en charge les deux problématiques alcool et stupéfiants (la Policlinique du Service de médecine des addictions du CHUV, les UTA des secteurs Nord et Est-vaudois, la Consultation spécialisée DEPART).
Cinq structures développent leurs activités dans un secteur géographique délimité : le Service de médecine des addictions est actif dans le Centre-vaudois, Entrée de Secours à l’Est, l’UTAM/UTAA à l’Ouest et l’UTAD au Nord du canton. Les cinq autres structures identifiées (FVA, Croix-bleue romande Section vaudoise, DEPART, Unité socio-éducative du SMA/CHUV et dans une moindre mesure le CAP/Levant) assurent des prestations dans plusieurs secteurs via la présence d’antennes régionales. Sur le plan organisationnel, cinq structures fonctionnent sur un modèle monodisciplinaire (FVA, CBR-SV, FEA, CAP, USE), quatre sur un modèle multidisciplinaire (SMA, UTAD et EdS) et une sur un modèle de soins coordonnés (UTAM/UTAA).
Toute addiction confondue, environ 4’470 personnes sont prises en charge par le dispositif spécialisé au moment de l’enquête (dernier trimestre 2020). Les situations traitées touchent tous les niveaux de sévérité de l’addiction selon la catégorisation du DSM 5 utilisée (troubles légers, modérés et sévères/problématiques), mais les troubles modérés à sévères sont surreprésentés dans toutes les files actives des structures identifiées.
Ces structures assurent des prestations de conseil et d’orientation à la personne dans les réseaux de prise en charge (brefs conseils), des prestations socio-thérapeutiques et/ou médico-soignantes pour des adultes souffrant de troubles addictifs et pour les proches concerné·es et des activités de liaisons hospitalières ; dans les cas complexes, la mise en oeuvre de dispositif de case management est également réalisée. Deux structures sont principalement dédiées au suivi de mandats administratifs et pénaux : le CAP pour les délits liés aux stupéfiants et l’Unité socio-éducative du SMA/CHUV pour ceux liés à l’alcool. Deux structures offrent des prestations spécifiques pour un public jeune : la consultation DEPART, spécialisée dans les suivis médico-psycho-sociaux de jeunes de 12 à 20 ans et le CAP/Levant, qui a développé (entre autres prestations) une offre pour Jeunes Adultes en Difficulté (JAD). Les services médicaux et sociaux de prise en charge des addictions ainsi que les mandats administratifs et pénaux sont assurés dans tout le canton. Certaines prestations, comme le suivi d’adolescent∙es avec une consommation problématique ou le suivi de personnes souffrant de syndrome de dépendance à l’alcool, semblent plus difficiles à réaliser dans certaines régions faute de structures, dans le Nord et dans l’Est-vaudois notamment.
Le concept de rétablissement, le paradigme bio-psycho-social, l’approche motivationnelle, et dans une moindre mesure, l’approche systémique et la thérapie cognitivo-comportementale se retrouvent chez tous les professionnel·les interviewé·es ; ces approches et outils conceptuels sous-tendent leurs activités cliniques au sens large, qu’elles soient socio-thérapeutiques, médicales ou soignantes. De même, le dispositif ambulatoire spécialisé est un territoire où plusieurs groupes professionnels se côtoient et détiennent une expertise spécifique et complémentaire dans la division du travail addictologique : l’espace socio-thérapeutique est principalement représenté par les psychologues et intervenant∙es du domaine social (pôle psycho-social), l’espace psychiatrique est représenté par le Département du CHUV d’un côté et la Fondation de Nant de l’autre (pôle psychiatrique), et enfin l’espace d’expertise somatique renvoie aux médecins généralistes-internistes spécialisés en addictologie (pôle somatique).
Dans leurs activités de suivi/accompagnement, les professionnel·les travaillent souvent en collaboration avec d’autres partenaires. En fonction de chaque suivi, les collaborations s’établissent avec les acteur·trices du réseau addictologique résidentiel ou hospitalier, du domaine socio-sanitaire élargi (médecins installé·es, CMS, EMS, EPSM, hôpitaux somatiques ou psychiatriques, médecine pénitentiaire, etc.), du secteur social (Centre sociaux régionaux, Office des tutelles et curatelles, DGEJ, etc.) ou avec certaines autorités mandataires (Fondation vaudoise de probation et office d’exécution des peines, Service des Automobiles et de la Navigation, etc.). Ces réseaux sont de nature interprofessionnelle (entre intervenant∙es de l’ambulatoire, du résidentiel/hospitalier) et/ou intersectorielle (principalement entre secteur médical somatique, psychiatrique, soins infirmiers, social et éducatif).
En bref, le dispositif ambulatoire spécialisé en addictologie couvre aujourd’hui un large panel de prestations. Ce dispositif est représenté par une dizaine de structures aux profils contrastés et qui couvrent des besoins multiples (somatiques, psychiatriques, sociaux). De même, la plupart des structures se caractérisent par une grande réactivité à la demande, une grande souplesse d’action. Seule la policlinique d’addictologie du CHUV signale un délai d’attente de plusieurs mois pour les patient·es, avec une possibilité de circuits-courts dans les cas d’urgence.
Les missions et prestations de l’ambulatoire spécialisé sont parfois très détaillées (tâches, indicateurs) dans des conventions avec l’Etat (DGS-Vaud), mais les équipes conservent une grande autonomie pour la gestion opérationnelle des processus. De par leur position d’intermédiaires entre la première ligne de soins et le secteur stationnaire (résidentiel, hospitalier), les professionnel∙les de l’ambulatoire spécialisé en addictologie fournissent un travail décisif pour la continuité et la qualité des prises en charge dans ce domaine.