Projet GenPerso : Santé personnalisée et prévention des maladies chroniques : besoins, perceptions et attentes des patients et des médecins généralistes

Abstract

La médecine personnalisée (aussi appelée médecine de précision ou encore génomique) basée sur les possibilités de séquençage de l’ADN, semble offrir de belles perspectives en matière de prise en charge individuelle et de santé publique. Elle est aujourd’hui déjà largement utilisée en cancérologie pour le diagnostic moléculaire des tumeurs, dans les maladies rares et en pharmacogénétique pour des ajustements de dosage. Ses objectifs à plus long terme sont de pouvoir apporter de nouveaux outils pour le diagnostic précoce mais surtout pour la prévention primaire et la prévention secondaire des maladies chroniques – telles que par exemple le diabète de type 2, l’asthme, les maladies neurodégénératives, certains cancers – et ce, grâce à l’établissement de profils génétiques indicateurs du risque que porte chaque individu vis-à-vis de ces maladies (6, 7). Au vu de la prévalence de ces maladies, le plus souvent suivies par le·la médecin de famille, l’impact sur la santé de chacun·e mais aussi sur l’organisation des soins et sur la santé publique pourrait être majeur.

Toutefois, afin d’anticiper ces éventuels impacts sanitaires, il manque encore des connaissances quant à la perception et aux attentes non seulement des patient·e·s, mais aussi des professionnel·le·s de soins vis-à-vis de la démarche d’accès au profil génétique de risques en Suisse. Si les patient·e·s peuvent déjà relativement facilement y accéder via un achat sur Internet, des questions se posent. En premier lieu une difficulté de compréhension des résultats sans accompagnement est rapportée dans la littérature, soulignant la nécessité d’un encadrement par les professionnel·le·s, en particulier par des médecins généralistes (MG), de par leur rôle de premier contact avec le système sanitaire pour les patient·e·s. Plusieurs travaux montrent que c’est vers son MG que le·la patient·e souhaite s’orienter pour l’interprétation de ses données génomiques. C’est aussi ce·tte dernier·ère qu’il·elle va solliciter s’il·elle souhaite des conseils ou un dépistage en lien avec ses résultats. Par ailleurs, certaines études ayant évalué la démarche, évoquent parfois une réticence à connaître son profil génétique par la population. Il apparait donc intéressant de connaitre la position des patient·e·s suisses sur cette question. Enfin, toujours d’après la littérature internationale, d’éventuels changements en matière de recours aux soins (demandes de dépistages, examens complémentaires biologiques ou radiologiques, voire simplement consultations) pourraient apparaitre et impacter alors les MG dans leur pratique. Il est important de pouvoir anticiper ces changements.

Du côté des MG, à notre connaissance, aucune enquête à ce jour en Suisse ne s’est vraiment intéressée à leurs attentes propres. Quels bénéfices, quels obstacles, quels dangers entrevoient-ils·elles ? Quel impact dans leur prise en charge des patient·e·s concerné·e·s ? Quelles priorités souhaiteraient-ils·elles voir développer ? Comment peuvent-ils·elles, et veulent-ils·elles gérer les données probabilistes que la recherche en médecine personnalisée pourrait produire ? Enfin, comment cette démarche s’articule-t-elle avec leur préoccupation des risques liés à la surmédicalisation (campagnes choosing wisely et smarter medicine) ? Les données issues de la littérature internationale apparaissent comme mitigées avec un intérêt pour la démarche dans une perspective de prévention mais encore d’importants questionnements dont, en particulier, celui de la formation nécessaire pour faire face à ce nouveau rôle. La question de la place de cette démarche par rapport à d’autres démarches de dépistage ou diagnostics ainsi que sa pertinence en l’absence de fondements cliniques sont aussi régulièrement évoquées. L’ensemble de ces points mérite d’être exploré afin d’envisager au mieux le futur de la médecine générale en Suisse.